L’ENTRÉE DANS L'ADOLESCENCE
L'apparition du terme « pré-adolescence » est récente et semble témoigner d'un phénomène nouveau : on se prépare désormais à l'adolescence. Dès le CM1 ou CM2, nombre d'enfants prépubères commencent à emprunter certains de leurs comportements aux adolescents, à copier leur langage, à se déguiser en ados.
La préadolescence met
fin au calme relatif de la moyenne enfance que l'on appelle la
période de latence. On considère classiquement que l'enfant ayant
atteint l'âge de raison parvient à mieux maîtriser son excitation
et à mettre à distance son affectivité. Cela permet le déploiement
de sa vie intellectuelle et l'investissement des apprentissages. En
réalité, cette période de latence tend à s'abraser et les
différences entre les âges de la vie à s'estomper. On le constate
dans nos consultations : enfants revendiquant le droit à être
« en couple », parents qui disent que leur enfant de 8 ou
9 ans rebelle commence son adolescence, jeunes adultes qui tardent à
prendre leur autonomie, ou encore adultes qui prennent comme valeur
celles de l'excitation, de l'instantanéité et de la
jeunesse, à l'image de celles de notre société.
Entrer en 6eme, c'est
aussi passer du statut de grand, volontiers condescendant à l'égard
des plus jeunes de l'école primaire, à celui de petit au collège.
Bien souvent, le pré-adolescent se sent plongé dans un monde qui
n'est pas encore le sien: le contraste est souvent saisissant, encore
plus chez les garçons, entre un grand garçon de 6ème et un
adolescent de 3ème ayant effectué son fameux pic de croissance...
L’ENTRÉE DANS LA PUBERTÉ
On a coutume d'entendre que la puberté inaugure l'adolescence. La puberté est un phénomène physiologique marqué par l'apparition des caractères sexuels secondaires, qui traduisent le développement progressif et définitif des organes sexuels. Elle débute de plus en plus tôt : entre 1850 et 1950, dans les pays développés, l'âge de la puberté gagnait à peu près un an à chaque génération. Depuis les années 50, il se stabilise aussi bien pour les filles que pour les garçons. Aujourd'hui, l'âge de l'apparition des premières règles est en moyenne de 11 ans et 9 mois.
LE TRAVAIL PSYCHIQUE DE L'ADOLESCENCE
Lors de la phase dite de latence, celle de la maîtrise des apprentissages et de la motricité, l'enfant peut penser qu'il a le contrôle de son développement. Les transformations corporelles de la puberté viennent le mettre dans une certaine passivité : il ne maîtrise pas du tout les changements de son corps qu'il peut donc ressentir comme une sorte de violence subie. Il ne sait pas à quoi cette aventure va aboutir, et cela vient introduire le doute, l'indéfini, le trouble.
SAVOIR ET APPRENTISSAGES A L'ADOLESCENCE
L'investissement de la pensée change à la puberté. Dès 10-12 ans, le jeune atteint un stade de maturité de la pensée décrit par Piaget et appelé la pensée formelle. Elle va lui permettre de s'intéresser à ses propres pensées, à investir la conscience de soi : "Pourquoi je pense ça ?" "Et si je pense ça, qu'est ce que l'autre va penser, en fonction de ce que je viens de dire ?" Il découvre la réciprocité: "Alors je lui ai dit ça, il m'a répondu ça." " S'il a dit ça c'est qu'il pense ceci." Il peut s'intéresser à son espace interne. Face aux apprentissages, cette intériorité est nécessaire, autant qu'il est nécessaire de prendre le temps : il faut bien accepter de ne pas savoir pour apprendre, et supporter qu'il s'écoule un moment entre l'énoncé du problème et la découverte de sa solution. Ce temps d'attente, de souffrance (dans le sens étymologique du terme, souffrance vient de suffere, attendre), de solitude, renvoient le jeune à l'impuissance et au doute sur lui-même. Si bien que certains ne peuvent pas s'y confronter et auraient besoin d'avoir la réponse avant même qu'on leur pose la question. Dans notre époque du numérique, on est très nettement dans l'immédiateté, l'important étant de donner la réponse en temps réel comme si l'on voulait annuler l'idée même de la durée. Avec les nouvelles technologies, toutes les informations sont à disposition, potentiellement, sur cette grande et formidable bibliothèque universelle qu'est internet, comme si notre savoir étaient externalisés dans un ordinateur. Il n'est plus question comme avant d'appropriation du savoir, d'a-pprendre au sens de prendre en soi. Dans quelle mesure la société actuelle permet-elle aux jeunes de maintenir cet investissement de leur espace interne ? Comment notre société pressée peut-elle supporter cette souffrance, cette incertitude nécessaire pour se trouver ? |